217 ans d'aventure industrielle
1790 – 1799 : le temps des pionniers
En 1790 trois strasbourgeois, négociants en tabac, les frères Jacoby et Joseph Fabry, installent une petite manufacture de faïence dans un moulin à huile situé au cœur de la ville. L’emplacement est idéal : la rivière fournit l’énergie nécessaire au fonctionnement des machines et permet de flotter le bois, unique combustible pour les fours, depuis les forêts vosgiennes.
A ses débuts, la manufacture occupe une vingtaine d’ouvriers et ne possède qu’un seul four. On y fabrique une faïence fine dite cailloutage. Les premières années sont difficiles (problème d’approvisionnement en matières premières, hostilité et méfiance des habitants, concurrence des manufactures anglaises, etc) et les dettes s’accumulent. Les Jacoby sont contraints de vendre leurs parts à Joseph Fabry et à une connaissance de ce dernier, Paul Utzschneider.
1800 - 1836 : Paul Utzschneider, " le Wedgwood français "
Chercheur infatigable, Paul Utzschneider va rapidement prendre la direction de la manufacture, améliorant et diversifiant la production. C’est un excellent céramiste qui introduit rapidement à Sarreguemines des techniques qu’il a pu observer en Angleterre au cours d’un voyage d’études.
La production, remarquée aux expositions nationales, permet à la faïencerie de remporter de nombreuses médailles. Les faïences fines, les grès, les terres colorées et les différents décors contribuent à accroître la renommée de la manufacture, bien au-delà des frontières nationales. Napoléon Ier, séduit par la qualité des pièces, passe en 1810 une importante commande de vases et de candélabres en grès poli à la manufacture pour décorer les palais impériaux.
1836 - 1871 : de la manufacture à l'usine...
En 1836, Paul Utzschneider cède la direction de la faïencerie à son gendre, Alexandre de Geiger. Pour développer la manufacture et faire face aux difficultés, ce dernier s’associe aux familles Villeroy et Boch qui apportent des capitaux non négligeables. L’industrialisation de la production modifie profondément le paysage urbain : les anciens ateliers sont agrandis, les usines n°2 et 3 voient le jour dans les années 1850 et 1860 et la construction d’une quatrième débute en 1868, de l’autre côté de la Sarre.
Alexandre de Geiger dote ses sites de production de nouveaux équipements, rationalise les méthodes de travail et perfectionne la cuisson à la houille. La manufacture devient l’une des plus importantes d’Europe.
Il se construit une solide carrière politique en parallèle de ses activités industrielles. Maire de Sarreguemines, député et sénateur, c’est un notable proche de l’Empereur Napoléon III dont les combats politiques sont fréquemment liés aux intérêts de la faïencerie.
1871 - 1913 : Paul de Geiger, un remarquable gestionnaire
Avec le Traité de Francfort en 1871, la Moselle devient allemande. Alexandre de Geiger quitte Sarreguemines et cède à son fils Paul la direction de la manufacture. Pour conserver le marché français et limiter les taxes douanières, la faïencerie décide de créer des succursales et des dépôts : le site de Digoin ouvre ses portes en 1877 et celui de Vitry-le-François en 1881.
Malgré les difficultés Paul de Geiger introduit rapidement une nouvelle production, la majolique, qui rencontre un succès immédiat. Il poursuit et accentue la politique paternaliste initiée par son père afin de fidéliser ses ouvriers.
Au début du 20ème siècle, Paul de Geiger dirige l’une des plus importantes faïenceries d’Europe : le seul site de Sarreguemines compte plus de 3 000 ouvriers. A sa disparition en 1913, l’usine de Sarreguemines est séparée de ses filiales françaises.
Un vingtième siècle troublé
En 1920, l’usine de Sarreguemines et ses filiales sont à nouveau réunies et deviennent les «Faïenceries de Sarreguemines-Digoin-Vitry-le-François ». Edouard Cazal, le petit-fils d’Auguste Jaunez, en est le directeur. Il doit faire face à de nombreuses difficultés : augmentation de la concurrence, revendications sociales, tensions internationales, etc.
Durant la Seconde Guerre mondiale, la faïencerie est gérée par Luitwin von Boch. Une partie de la production est alors commercialisée au profit de la firme allemande Villeroy & Boch. Les bombardements successifs détruisent une partie des locaux de production : seule l’usine n°4 reprend son activité après la guerre.
Les Cazal dirigeront la faïencerie jusqu’en 1978.
Et aujourd'hui ?
En 1978, le groupe Lunéville-Badonviller-St Clément dirigé par Gilbert Fénal parvient à prendre le contrôle de l’usine de Sarreguemines et de ses filiales en devenant actionnaire majoritaire. La famille Fénal se trouve désormais à la tête d’un des plus grands groupes céramique d’Europe avec près de 3 000 salariés.
En 1982, l’usine de Sarreguemines prend le nom de « Sarreguemines Bâtiment » et ne produit plus que du carrelage. La concurrence est rude et, malgré des investissements non négligeables, l’entreprise dépose son bilan en 2002.
Un plan de reprise est alors proposé par un groupe de 19 salariés et cadres devenus actionnaires, réunis sous le nom de « Céramique de Sarreguemines ». L’entreprise cesse définitivement toute activité en 2007. Désormais, la faïencerie de Sarreguemines n’existe plus.
Aujourd’hui, les services les plus connus (Obernai, Agreste, Papillon…) sont encore produits dans l’usine de Saint-Clément.